Accord d'association : c'est l'échec qu'il faut craindre pour nos enfants et c'est maintenant qu'il faut agir
18 juin 2019
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Après des semaines de silence, marquées seulement par les déclarations plutôt étranges du Ministre d’État au « Club de la presse », selon lesquelles on n’était « pas sûrs d’y arriver », ça bouge enfin un peu : lors de la séance publique du 12 juin, un mini-débat a eu lieu au Conseil National à propos de la négociation européenne.
Il est en effet question d’un texte qui pourrait être officialisé cet été.
Un texte, mais quel texte ? Certainement pas un accord « ficelé », manifestement nous n’en sommes pas là malgré quatre années de négociations.
Un « accord intermédiaire », alors, qui contiendrait les principaux éléments de la discussion en cours et formerait une sorte de « cadre juridique de référence » que nous pourrions opposer à la prochaine Commission européenne afin de ne pas devoir reprendre la négociation à zéro ? Apparemment pas non plus.
Selon Gilles Tonelli, il s’agirait seulement d’une déclaration (un « point d’étape ») résumant l’état de la négociation. En somme, ce serait le document que nous (en tout cas à « Monaco 2040 ») attendons depuis des mois pour nous dire de manière officielle où nous en sommes et vers quoi nous allons.
La perspective de la publication d’un tel document a fait réagir Stéphane Valeri. Alors que, depuis de longs mois, le Conseil National ne semblait pas très motivé (c’est le moins qu’on puisse dire) pour faire évoluer ce dossier, la perspective a brusquement changé. On a tout à coup reparlé de ces fameuses « lignes rouges ». Et le point de vue du Président du Conseil National est très clair : on ne doit pas changer d’un iota nos règles. Sinon, le Conseil National ne votera pas la ratification de l’Accord d’association. Que le Gouvernement se le tienne pour dit.
« Il faut porter jusqu’au bout les idées qu’on soulève », a dit André Gide. Sage recommandation, que notre Conseil National serait bien avisé de suivre. Car peut-on imaginer que l’Accord d’association échoue ? On peut l’imaginer, certes, mais à condition d’imaginer en même temps une Principauté coupée de l’univers économique qui l’entoure, incapable de jouer la carte de son dynamisme à l’égard du monde extérieur puisque ayant choisi un isolationnisme stérile.
La Suisse, elle, a parfaitement compris le risque. Elle non plus n’est pas membre de l’Union Européenne et n’a pas vocation à le devenir. Elle aussi négocie actuellement avec Bruxelles un accord à vocation générale assez semblable au nôtre, bien que sa dénomination soit celle d’ « Accord institutionnel » plutôt que d’ « Accord d’association ».
La Suisse a une tradition de transparence et de complète information du public sur sa vie politique dont nous ferions bien de nous inspirer. C’est à ce titre qu’elle a publié la lettre (ou plus exactement le courrier électronique) que le Conseil fédéral vient d’envoyer au Président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker (pour plus de complément, voir le récent rapport du Conseil fédéral sur les consultations relatives à l’accord institutionnel entre la Suisse et l’UE)
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Cette missive évoque un point essentiel pour nous aussi : celui de la libre circulation des travailleurs, autrement dit de la liberté d’établissement. C’est ce sur quoi insiste le Président du Conseil National. Et la Suisse envisage que cet aspect puisse faire l’objet de négociations distinctes et ultérieures.
C’est exactement ce que laissait entrevoir le rapport du Parlement européen sur l’Accord d’association avec les trois petits Etats (Andorre, Saint-Marin et Monaco) que nous avons eu l’occasion d’analyser et de commenter ici même.
Dans sa réponse, rédigée bien évidemment en termes diplomatiques, le Président Jean-Claude Juncker se montre ouvert et souligne particulièrement l’intérêt pour la Suisse de concrétiser un accord avec l’actuelle Commission (dont le mandat se termine, rappelons-le, le 31 octobre 2019), faute de quoi tout risquerait d’être remis en question : une nouvelle Commission européenne pourrait en effet vouloir reconsidérer le dossier dans son ensemble, ce qui constituerait au mieux une perte de temps importante.
Cette mise en garde vaut bien évidemment pour Monaco aussi, d’autant que Jean-Claude Juncker, lui-même issu d’un « petit » Pays (le Luxembourg), peut sans doute être crédité de sentiments de sympathie à l’égard de Monaco, d’Andorre et de Saint-Marin, que son successeur ne partagera peut-être pas.
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De tout cela, quelles conclusions pouvons-nous tirer à ce stade ?
La première est que nous avons tout intérêt, à l’instar de la Suisse, à « mettre noir sur blanc » avant la fin du mandat de l’actuelle Commission les acquis de notre négociation, afin qu’il ne soit pas possible de revenir en arrière sur l’essentiel, c’est-à-dire, rappelons-le une nouvelle fois, le principe d’accès pour Monaco au marché unique européen. Un « point d’étape », c’est bien, mais aller un peu au-delà ne serait sans doute pas superfétatoire.
La seconde est de ne perdre de vue à aucun moment que cet accès au marché unique conditionne notre avenir. Ne pas réussir à trouver un terrain d’entente avec la Commission européenne serait pour nous un scénario-catastrophe.
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Malheur à celui ou à ceux qui feraient échouer la négociation. Nos enfants et petits-enfants (pour reprendre un mantra cher à Stéphane Valeri) auraient raison de le lui reprocher amèrement.