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Budget Primitif 2020 : la fuite en avant continue !

6 Décembre 2019

Les séances budgétaires consacrées à l'examen du Budget Primitif 2020 auront lieu les 10, 12, 16 et 19 décembre prochain. A l'issue de ces séances, le Budget Primitif fera l'objet d'un vote. Nous vous livrons donc notre analyse de ce Budget Primitif qui est plein de surprises, des bonnes et des moins bonnes, dans la continuité immédiate du Budget Rectificatif 2019.

 

 

Sur la forme

Rappel

Comme vous le savez, l'examen du Budget Primitif par le Conseil National se fait sur la base de 4 documents :

Public

Projet de loi

Ce texte résume en quelques lignes les dépenses et les recettes

Oui

Publié au JO

Oui

Etats A, B, C et D

Ce tableau détaille le budget dans les grandes lignes. C'est une version plus détaillée du Projet de loi.

Oui

Oui

Fascicule budgétaire

Ce tableau détaille le budget ligne à ligne. C'est une version détaillé des Etats A, B, C et D. Il contient également les chiffres de clôture du budget de l'année précédente pour comparaison.

Non

Non

Exposé des motifs

C'est le texte qui explique tous les chiffres du budget qui est voté et que l'on trouve dans le Fascicule budgétaire.

Oui

Non

Comme vous le savez, suite à notre demande, les Etats A, B C et D sont dorénavant publics avant le vote du budget. C'est une avancée importante car dorénavant on sait ce qui sera voté et donc on peut comprendre un peu mieux les débats budgétaires en séances publiques.

Malheureusement, cela ne vous a pas échappé :

  1. l'Exposé des motifs explique le contenu du Fascicule budgétaire (document non public) ==> il justifie donc des chiffres que nous ne pouvons pas connaître et c'est un problème

  2. Nous ne savons rien des chiffres de la clôture de l'exercice précédent ce qui nous empêche de savoir ce qu'il s'est passé

Concernant le Budget Primitif 2020

A présent, voyons voir ce que ces considérations ont sur le Budget. Les chiffres de la clôture de 2018 n'étant toujours pas disponibles, nous ne savons pas ce que l'Etat a réellement dépensé en 2018. Quant aux dépenses réelles de 2019, même si l'année comptable n'est pas encore clôturée, nous ne savons rien de ce que l'Etat prévoit comme dépenses réelles.

Sans disposer des chiffres de la clôture 2018 (qui existent pourtant donc), et avec un Budget Rectificatif 2019 bidouillé, nous en sommes réduits à comparer les chiffres du Budget Primitif 2020 à celui du Budget Primitif 2019, c’est-à-dire comparer deux prévisions qui se rapprochent (ou pas) de la réalité (la clôture).

Il parait invraisemblable qu’alors que toutes les associations dignes de ce nom doivent présenter leurs comptes tous les ans afin d’obtenir le quitus de leurs administrateurs, que toutes les entreprises publiques et privées doivent fournir des comptes annuels (audités pour la plupart), le Conseil national ne parvient pas à obtenir de voter la clôture des comptes de l’Etat, et que ces comptes soient rendus publics en toute transparence. C’est à croire que cette opacité arrange tout le monde, gouvernement et Conseil National. A Monaco 2040, nous continuerons de lutter pour plus de transparence dans la présentation des chiffres budgétaires et réitérons notre volonté que la clôture fasse l'objet d'une loi et soit donc rendue publique au journal officiel. Il ne faut pas avoir peur de la vérité.

Par ailleurs, tant que l'Exposé des motifs viendra justifier un document non public (Fascicule budgétaire), nous ne sommes pas en mesure de bien comprendre le budget. Nous demandons donc que le Fascicule budgétaire soit rendu public.

Ces réserves étant faites, voyons voir ce que montrent les chiffres qu'on veut bien nous présenter.

Sur le fond

 

Augmentation significative des dépenses (et des recettes)

Les dépenses et les recettes sont en très forte hausse (de l’ordre de 12% par rapport au Budget Primitif 2019) pour dépasser pour la première fois le seuil de 1,5 Milliard €.

 

L'augmentation des dépenses provient essentiellement des dépenses pour logement domanial (+130M€ par rapport au BP 2019). L’augmentation des recettes (163M€) provient quant à elle de la vente d’actions de la SBM au FRC pour 100M€ et de dividendes exceptionnels de Monaco Telecom pour 22M€.

 

Mais certaines dépenses sont absentes

Extension en mer

On vous dira que c’est un projet privé qui ne coûte rien à l’Etat, qu'il n’a pas à figurer au budget. Ceci n’est pas correct ! Tout d'abord, l'Etat aura la charge de la maintenance des infrastructures de l'extension en mer. Ensuite, la dalle et certaines infrastructures publiques resteront la propriété de l’Etat et leur construction a été financée en vendant 60,000 mètres carrés de droits à construire à des promoteurs privés, qui de surcroit s’acquitteront du paiement d’une soulte de 400 M€. Nous attendons avec impatience de voir comment cette recette et les dépenses d’infrastructures publiques seront comptabilisées.

Testimonio II

Ce projet permettra à l’Etat de disposer d’appartements domaniaux, de parkings, d’une crèche et de locaux destinés à l’école internationale. Ces infrastructures publiques de plusieurs centaines de Millions € ne sont pas tombées du ciel.  Elles ont été financées en vendant des droits à construire à un promoteur privé. Ni les recettes du produit de cette vente, ni les dépenses pour les infrastructures publiques ne figurent au Budget. Le gouvernement s’est pourtant engagé à inscrire au budget les trocs, mais pas celui-ci apparemment, c’est vrai que c’est de loin le plus important avec l’extension en mer, ceci explique peut-être cela.

Nouveau CHPG

Le montage est quelque peu différent des deux projets précédents. Devant l’ampleur des dépenses anticipées pour ce projet, le Gouvernement avait décidé de provisionner chaque année un certain montant au Budget depuis 2012 : 40M€ de 2012 à 2014 et 45M€ de 2015 à 2018, soit environ 305M€ à fin 2018. Fin 2018, lors du Budget Primitif 2019, le Gouvernement avait budgété de provisionner encore 45M€ au cours de 2019, comme cela est inscrit dans le plan triennal d'équipement voté par le Conseil National. Mais nous apprenons aujourd'hui que ce provisionnement en 2019 n'a pas eu lieu. Peut-être que le Gouvernement estimait avoir suffisamment provisionné jusque là pour faire face aux dépenses (compte tenu des dépenses et des provisions, on estime qu'il y a autour de 130M€ à fin 2019 dans le compte dédié au nouveau CHPG)

Or le coût estimé du nouveau CHPG augmente d'année en année, passant de 652M€ en 2012 à 867M€ en 2019 (on peut supposer qu'à ce rythme il dépassera un jour le Milliard €). Compte tenu de cette augmentation, le plan triennal d'équipement du Budget Primitif 2020 nous indique qu'il reste à payer 690M€ juqu'à la livraison de l'hôpital. Si on retranche à ce montant ce qu'il y a dans le compte dédié au nouveau CHPG (130M€), on comprend qu'il manque encore 560M€ pour boucler l'opération dont la livraison est semble-t-il pour le moment prévue dans 12 ans. Cela fait environ 45M€/an, c'est-à-dire pile poil la provision qu'on faisait jusque-là (pas mal!). On pensait que l'absence de provision de 2019 n'était qu'une entorse passagère pour éviter de montrer qu'on est dans le rouge en 2019 et qu'en 2020 nous reprendrions le rythme du provisionnement. Eh bien c'est raté ! Le Gouvernement a tout simplement supprimé cette provision du Budget Primitif 2020 !

On comprend bien cette manoeuvre, qui permet ne pas afficher aujourd'hui un budget négatif, mais c'est simplement reculer pour mieux sauter car il faudra de toutes les façons payer l'addition et plus on attend plus ça coute cher (ce procédé est identique avec la façon dont nous gérons la retraite des fonctionnaires, voir ci-dessous).

Provision pour litige

L'Etat ne provisionne toujours pas pour les litiges en cours. Ainsi il n'y a pas de provision pour le litige concernant l'esplanade des pêcheurs qui pourrait s'élever à plusieurs centaines de Millions € !

Provision pour la retraite des fonctionnaires

L'Etat ne provisionne toujours pas pour pouvoir payer la retraite des fonctionnaires dont le coût est en train d'exploser étant donnée la forme de la pyramide des âges des fonctionnaires en activité et retraités. Cette provision s'élèverait aujourd'hui à 80M€ environ. Tout ce que nous ne mettons pas de côté aujourd'hui devra de toute façon être payé un jour, et plus on tarde à provisionner, plus l'addition s'alourdit. Et un jour elle n'est tout simplement plus supportable.

Et les recettes artificiellement dopées

Pour financer l'augmentation significative des dépenses en matière notamment de logement, le Gouvernement a décidé de puiser dans les réserves nationales, le FRC, à hauteur de 100M€, en "vendant" au FRC pour 100M€ d'actions de la SBM détenues au Budget de l'Etat, afin de ne pas afficher un budget en déficit. Ce point mérite d’être souligné en gras, car cette vente des actions de la SBM n’est qu’une écriture comptable puisque la partie liquide du FRC s’en trouve amputée de 100M€.

On peut alors se demander : que vendrons-nous les prochaines années pour continuer à financer le Plan National pour le logement ? Cette pratique met une fois de plus en exergue que l’excédent budgétaire affiché n’est rien de plus qu’un outil de communication, et que le Conseil National ne possède pas les outils pour influer tant soit peu sur la politique budgétaire et financière du pays. Tout ce qui concerne le FRC lui échappe totalement, comme si le FRC n’était pas de l’argent public.

Finalement, un déficit maquillé d'au moins 145 M€, et sans doute beaucoup plus...

Compte tenu de tout ce qu'on vient de dire, nos dépenses excèdent nos recettes habituelles (TVA, ISB, etc.) de 145 M€. On pourrait appeler cela le déficit "réel", qui est comblé par les 100M€ de renflouage en provenance du FRC et des 45M€ provision qu'on aurait dû faire pour le nouveau CHPG, l'objectif de ces bidouillages étant pour le Gouvernement d'éviter d'afficher un budget en déficit comme il l'a reconnu lors des dernières séances publiques budgétaires.

Si on ajoute à cela la provision pour la retraite des fonctionnaires (80M€) qu'on devrait normalement faire, l'addition monte à 225M€. Et le déficit pourrait être encore plus élevé à cause du litige de l'esplanade des pêcheurs.

Et tout cela, c'est en étant optimiste quant à l'économie mondiale en 2020. Avec une vision plus prudente, ce qui serait plutôt légitime étant donnée la conjoncture économique mondiale actuelle, le déficit serait sans doute revu à la hausse.

Conclusion

Les dépenses sont en très forte hausse (de l’ordre de 12% par rapport au Budget Primitif 2019) du fait essentiellement du Plan National pour le Logement, et dépassent pour la première fois le seuil de 1,5 Milliard €. Et encore, il en manque quelques unes qui les feraient exploser : les dépenses de Testimonio II n'apparaissent nulle part, la provision pour le futur CHPG a disparu et les provisions pour le litige concernant l'esplanade des pêcheurs et pour la retraite des fonctionnaires n'existent tout simplement pas.

Mêmes incomplètes, ces dépenses ne peuvent pas été comblées par nos recettes habituelles (TVA, ISB, etc.). Ainsi, pour financer cet excédent de dépenses, le Gouvernement décide de piocher dans les réserves nationales (le FRC) pour 100M€. Il l'a fait en 2019, il recommence en 2020.

Ce train de vie est intenable. Nous dépensons trop d’argent, la partie liquide (et donc disponible) de notre fonds de réserve qui représentait plusieurs années de dépenses budgétaires il y a quelques années, ne représente guère plus qu’une année de dépenses budgétaires, et nos pratiques comptables obsolètes et peu démocratiques ne permettent pas aux monégasques de comprendre la situation budgétaire et financière du pays.

Les Conseillers nationaux ont pour devoir de voter pour ou contre un budget qui représente la politique économique et financière de la Principauté, comme l'indique l'article 38 de la Constitution. Entre bidouillage des recettes et escamotage des dépenses, ils sont particulièrement bien servis cette année !

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