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ICO à Monaco : quel rapport bénéfice / risque ?

18 mai 2019

Au cours de la présentation de Extended Monaco que vous pouvez retrouver sur Facebook ici, Frédéric GENTA a détaillé le contenu du Plan Numérique de Monaco pour les années à venir, en commençant par le jumeau numérique, le cloud souverain, la 5G, puis la fibre, la e-santé, les véhicules autonomes ou encore l'apprentissage de la programmation à l'école. Jusque-là, on comprenait tout. On ne partageait pas forcément tout mais on comprenait.

 

Et puis tout d'un coup, à la fin de la présentation, un nouveau mot est apparu : ICO, pour Initial Coin Offering. On nous explique que par une ICO des porteurs de projet (probablement des entreprises) pourront lever des capitaux à Monaco sans intermédiaire financier, grâce à la technologie de la blockchain, moyennant l'obtention d'un visa par l'Etat. Et pour avoir le visa de l'Etat, il faut a minima que le porteur de projet domicilie son activité en Principauté, générant ainsi des emplois et recettes budgétaires éventuellement. Monaco ferait ainsi partie des quelques pays qui autorisent les ICO "sur leur territoire". Et pour que la première ICO (menée par Luc Jaquet) soit réussie, l'Etat montrera la confiance qu'il a en cette nouvelle activité puisqu'il sera lui-même un des investisseurs.

 

On va être honnête avec vous, on n’y comprenait rien, mais on se disait que les explications et la pédagogie suivraient pour que nous puissions tous bien comprendre cette nouvelle activité économique.

 

Alors on a lu l’interview que Frédéric GENTA a accordé au Journal du Net et qui constitue les seules explications publiques sur les ICO monégasques, espérant y trouver des réponses à toutes nos questions. Malheureusement, c’est surtout la liste des questions qui s’est allongée et on vous en fait part.

 

 

Qu'est-ce qu'une ICO ?

Voici la définition que nous retenons parmi toutes les formulations que l'on trouve à droite et à gauche.

Une ICO est une levée de fonds qui peut s’effectuer en monnaie légale ou en crypto-monnaie. Pour lever des fonds via une ICO, une entreprise émet des « tokens » (jetons) qui sont achetés par les investisseurs et les transactions sont enregistrés dans une blockchain. Ces tokens sont des droits qui peuvent être de nature différente :

  • si le token donne droit à un avantage en « nature » (par exemple la gratuité pour un service futur), on parle de « utility token », c’est le cas de la plupart des ICO qui ont eu lieu jusqu’à présent dans le monde

  • si le token donne droit à des revenus financiers (par exemple un dividende futur), on parle « security token », et on parle alors plutôt de STO (Security Token Offering) que de ICO

Une fois que les tokens ont été émis et achetés par les investisseurs, ils peuvent être admis à une bourse d’échange où ils peuvent être achetés et vendus librement.

 

Qu’est-ce que sera une ICO monégasque ?

D’après Frédéric GENTA, Monaco cherchera surtout à faire des STO. Ce serait une véritable prouesse car cela demande une innovation juridique, une robustesse et une connaissance de la technologie que peu de juridiction ont réussi à réunir jusque-là.

 

Qu'est-ce que ça apporte à Monaco de faire ça ?

Si ça marche, cela va créer des emplois et des recettes supplémentaires en terme d’impôt sur les bénéfices à terme.

 

Comment va se dérouler concrètement une ICO à Monaco et avec quels acteurs ?

Ce n’est pas clair. Il faut attendre la loi sur les ICO pour en savoir plus. La seule chose que l’on sache vraiment est que le porteur de projet devra obtenir un visa de l’Etat pour pouvoir réaliser son ICO à Monaco.

 

 

Que faut-il pour obtenir un visa ?

Il est indiqué qu’il y aura « 15 conditions techniques, réglementaires et commerciales » à satisfaire, que le projet devra être en lien avec l’environnement, la « clean tech » et la « real estate tech », et que le porteur de projet doit domicilier son activité à Monaco. Tout cela sera précisé dans la loi sur les ICO.

Toutefois, l’ensemble de ces conditions restreint les candidats potentiels.

 

 

Pourquoi le visa est-il obligatoire ?

On n’en sait rien. C’est un choix du gouvernement. En rendant le visa obligatoire, on attirera d’autres projets sur le territoire que la majorité des ICO qui ont eu lieu jusque-là dans le monde. La France par exemple a choisi que le visa de l'AMF soit optionnel.

 

 

Qu’est-ce que le visa va apporter, pour le porteur de projet et pour l’investisseur ?

On n’en sait rien, tout dépend des contrôles qui seront effectués pour l’obtention du visa et des garanties que la loi sur les ICO apportera. Pour le moment tout cela n’est pas public et il faut attendre que le projet de loi soit déposé.

 

 

Combien ça va rapporter à Monaco ?

On n’en sait rien. Personne ne peut savoir si les ICO vont se développer à Monaco. Le Gouvernement mise sur 10 ICO/an et 300 emplois supplémentaires par an. En général, les entreprises qui font des ICO ne sont pas bénéficiaires avant un moment. Il faudra donc sans doute attendre quelques années avant que l’Etat perçoive de l’impôt sur les bénéfices de ces sociétés.

Cela pourrait aussi rapporter de l’argent à l’Etat si le visa est payant (pour le moment on n’en sait rien).

 

 

Qu’est-ce que ça apporte en terme d’image ?

Si cette activité est un succès, ce sera sans doute excellent pour l’image de Monaco, d’autant plus si les ICO auront un lien avec la cause environnementale.

 

 

Pourquoi un porteur de projet choisirait-il Monaco pour faire son ICO ?

Aujourd’hui, on peut faire des ICO dans de nombreux pays et la réglementation évolue rapidement un peu partout (par exemple en France avec la loi PACTE). S’installer à Monaco coute plus cher que n’importe où ailleurs et contrairement à la plupart des pays où il est possible de faire une ICO, le visa (potentiellement contraignant) sera obligatoire à Monaco. Il faut donc que les avantages compensent ces inconvénients. Quels sont donc ces avantages par rapport aux autres pays ? Pour le moment on n’en sait rien, cela dépendra de ce que le visa et la loi sur les ICO qui l’accompagnera apporteront comme garantie, tant pour le porteur de projet que pour l’investisseur.

 

 

Pourquoi un investisseur choisirait-il d’investir dans une ICO monégasque et quels seraient les freins ?

Au-delà du domaine d’activité de l’entreprise qui souhaite réaliser son ICO à Monaco, c’est le cadre juridique / opérationnel / technique / comptable qui donnera envie (ou non) à l’investisseur potentiel d’investir. Si la loi sur les ICO ne protège pas suffisamment les investisseurs, ce sera sans aucun doute un frein à l’investissement.

 

 

Qui pourra investir dans les ICO monégasques ?

On n’en sait pas grand-chose, à part que les Américains seront exclus. Il faut attendre la loi sur les ICO pour en savoir plus.

 

 

Qu'est-ce que ça coute à Monaco de faire ça ?

Ca va couter les salaires de l’ensemble des fonctionnaires nécessaires à l’organisation de cette nouvelle activité ainsi que le coût des différents intervenants externes (avocats, cabinets de conseil etc.).

 

 

Comment Monaco va-t-il lutter contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme dans le cas des ICO ?

On n’en sait rien, tout dépend de la procédure de contrôle des investisseurs et de la provenance des fonds qui sera mise en place. Il faut donc attendre la loi sur les ICO pour le savoir.

 

 

Quels sont les risques pour Monaco ?

C’est difficile de le savoir à ce stade puisque la loi sur les ICO n’est pas encore publique. On peut néanmoins dire que :

  • si jamais l’activité ne fonctionne pas, on aura perdu le temps et les sommes dépensées pour la mise en place de tout ce dispositif

  • concernant la sécurité du processus, il faut que la loi sur les ICO soit écrite de telle sorte qu’elle sécurise totalement le processus, du placement initial des jetons auprès des investisseurs jusqu’au marché secondaire où les jetons pourront ensuite être revendus

  • si jamais l’Etat se porte garant de l’ensemble du processus, que nous ayons bien identifié l’ensemble des risques auxquels l’Etat s’expose et que nous soyons en capacité de les mesurer et de les gérer

 

 

En conclusion, que pensons-nous de cette nouvelle activité ?

Nous pensons que c’est une excellente chose que l’Etat diversifie les activités économiques à Monaco et nous encourageons toutes les initiatives qui vont dans ce sens.

Les ICO ne sont qu’une façon pour une entreprise de lever des capitaux et ce qui importe n’est pas la façon dont les capitaux sont levés mais leur destination. Vu la nature des projets concernés (environnement, clean tech, real estate tech), nous ne pouvons que saluer cette initiative, même si ces projets pourraient être financés autrement que par des ICO.

Néanmoins, nous attirons l’attention sur le risque qui pèse sur la méthode de financement. En effet, se lancer dans cette activité suppose que :

  • le cadre juridique / opérationnel / technique / comptable soit suffisamment sécurisé pour attirer les porteurs de projet et les investisseurs en nombre suffisant

  • le risque qui pèserait sur l’Etat s’il était le garant de l’ensemble du processus soit parfaitement identifié, mesuré et géré, afin d’éviter les mauvaises surprises

Aujourd’hui, on ne nous parle que de bénéfices. Nous aurions préféré qu’on nous parle également des risques pour bien comprendre le rapport bénéfices /risques de cette nouvelle activité, car ce n’est que dans ce rapport que nous pourrons en mesurer l’intérêt.

 

Nous espérons que l’exposé des motifs du projet de loi sur les ICO que le Gouvernement devrait déposer prochainement présentera le dispositif sous cet angle-là.

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