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Budget Primitif 2025 : des estimations qui faussent l'analyse

22 Septembre 2025

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Le Budget Primitif 2025 est une étrangeté parmi les budgets primitifs. Alors que 2025 se présentait comme une année de recettes exceptionnelles (fin de Mareterra, livraison de Bay House etc.) et que les dépenses sont globalement stables, le BP 2025 est présenté en déficit de 88M€. Ce qui peut sembler paradoxal s'explique notamment par des estimations étonnamment basses des recettes fiscales. Voici notre analyse complète.

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Préambule

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En préambule, il convient de rappeler que toutes les remarques concernant les documents budgétaires (voir ici) sont toujours d’actualité. En effet, le Gouvernement n’a malheureusement jamais donné suite à la demande de Monaco 2040 pour que le Fascicule Budgétaire (ou tout document permettant de comprendre la loi de budget ainsi que les séances publiques qui y sont dédiées) soit enfin public.

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Faits notables

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Budget annuel 2025
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D’une manière générale, entre les Budgets Rectificatif 2024 et Primitif 2025, les recettes ont significativement diminué (-7%) tandis que les dépenses restent stables), le budget 2025 étant ainsi présenté en déficit de -88M€ :

General_Depenses_Recettes.png

Pour comprendre ces évolutions importantes, regardons plus en détail l’évolution des recettes et dépenses.  

 

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Côté recettes

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Par rapport au Budget Rectificatif 2024, les recettes du Budget Primitif 2025 ont évolué de la manière suivante :

Evolution recettes.png

Les principaux écarts entre Primitif 2025 et Rectificatif 2024 sont les suivants :

 

  • Transactions commerciales (TVA) : l’Etat anticipe une baisse de -114M€ de TVA en 2025, en particulier sur la TVA immobilière. Cette baisse anticipée de la TVA immobilière est difficile à expliquer dans la mesure où Mareterra a été livrée fin 2024 seulement et où de grands ensembles luxueux comme Bay House seront livrés en 2025. Les perspectives négatives sur la TVA interne à Monaco sont également difficiles à expliquer, l'économie et l'emploi en principauté étant toujours en plein croissance comme l'attestent les chiffres de fin 2024.

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  • Domaine immobilier : l’Etat anticipe une hausse de +17M€ alors même qu’en 2024 l’Etat avait reçu la dernière tranche de la soulte de l’extension en mer (60M€). C’est dû notamment à des « produits de cession » de +27M€, mais on ne sait pas ce qui a été cédé

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Côté dépenses

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Par rapport au Budget Rectificatif 2024, les dépenses du Budget Primitif 2025 ont évolué de la manière suivante :

Evolution depenses.png

Les principaux écarts entre Primitif 2025 et Rectificatif 2024 sont les suivants :

 

  • Equipement et investissement : la baisse des dépenses concernant l’ilot Charles III, l’ilot Pasteur et l’extension du Forum Grimaldi (environ 120M€) est entièrement compensée par une hausse significative de la provision pour le CTVD, le Nouveau CHPG et la construction de logements domaniaux

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  • D’une manière générale, l’inflation largement revue à la baisse a un impact bien plus faible sur les dépenses que lors de l’année 2024.

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  • Concernant la retraite des fonctionnaires, le BP25 estime la dépense à 105M€, qui serait donc en baisse de 1M€ par rapport à 2024. Cette estimation est incompréhensible puisque le coût de la retraite dans une phase de grande accélération. Cette « mauvaise » estimation sera très probablement corrigée lors du Budget Rectificatif 2025.​

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Plan triennal d’équipement

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Le plan triennal d'équipement (PTE) du Budget Primitif 2025 liste les prévisions des principales dépenses d’équipement et d’investissement pour les prochaines années. On y retrouve les principaux projets d’équipement, comme le nouveau CHPG, le centre de tri et de valorisation des déchets, les grands programmes immobiliers publics (Bel Air etc.), les programmes d’urbanisation (ilôts Pasteur et Charles III), restructuration du centre commercial de Fontvieille etc.

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Par rapport au plan triennal du Budget Primitif 2024 :

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  • il n’y a pas de nouvelle entrée significative

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  • quelques lignes ont été supprimées pour la raison que la dépense est à présent terminée, ou que la dépense n’avait pas à figurer au PTE, ou encore pour une raison non communiquée

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  • parmi les plus grosses augmentations du coût total, on retrouve le CHPG (+4%), le socle Charles III (+6%), le Bel Air (+16%) et  la restructuration du Cap Fleuri (+21%)​

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Malgré les augmentations du coût total de ces principaux postes de dépenses, la suppression d’un certain nombre de lignes et le fait qu’en 2024 l’Etat ait beaucoup dépensé en équipement et en investissements, le « reste à payer » du PTE diminue de 5.053M€ au BP24 à 4.406M€ au BP25 :

Evolution dépenses futures.png

Cet infléchissement de la courbe doit être interprété avec prudence du fait de la suppression d’un certain nombre de lignes pour des raisons autres que la fin de la dépense.

Analyse

 

L’Etat continue de tout dépenser alors que la période de recettes exceptionnelles touche à sa fin

 

Le budget 2025 se présente en déficit de -88M€ du fait d’une augmentation des dépenses d’équipement et d’une estimation étrangement faible de la TVA, en particulier de la TVA immobilière. Il faudra donc attendre le Budget Rectificatif 2025 pour avoir une vision plus juste de la réalité économique et budgétaire de l’Etat, ce Primitif 2025 étant difficile à analyser du fait des estimations de recettes si basses. On s’attendait plutôt à un nouveau budget exceptionnellement excédentaire, poursuivant ainsi la tendance récente du résultat budgétaire réel corrigé de l’artifice comptable du transfert des actions de la SBM :

Evolution excedent.png

Mais ce graphique, même s’il montre un regain de "vert" ces dernières années, a de quoi surprendre : pourquoi n’y a-t-il pas beaucoup plus de "vert" que cela ces dernières années, qui correspondent à la période de recettes exceptionnelles ? L'explication tient au fait que les recettes exceptionnelles ont simplement été dépensées, en contribuant au financement de nombreux projets d’équipement.

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En prenant un peu de recul, on s’aperçoit qu’entre 2000 et ce que l’Etat anticipe en 2025, au global rien n’aura été mis de côté (c’est-à-dire versé au FRC au titre des résultats budgétaires annuels). Ce sont même 443M€ qui ont été prélevés au FRC pour racheter au Budget les actions de la SBM afin d'augmenter artificiellement le résultat budgétaire annuel de l'Etat des années 2019, 2020 et 2021.

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Analysons à présent comment ces observations se traduisent dans l’évolution de la partie réellement liquide du FRC.

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La partie liquide du FRC stagne depuis 20 ans

 

Le fait que l’Etat dépense tout lorsque les recettes sont meilleures qu’attendues et prélève au FRC dans le cas contraire pour financer toutes les dépenses, se traduit par le fait que la valeur de la partie réellement liquide du FRC ne grossit plus du tout depuis le début du siècle (elle est aujourd’hui identique à ce qu’elle était il y a 20 ans), tandis que dans le même temps les dépenses annuelles croissent globalement à un rythme exponentiel :

Evolution_FRC_Depenses.png

C’est un peu comme si, malgré les recettes exceptionnelles de l’Etat, une bonne partie de la performance financière de la partie liquide du FRC (investie à 100% dans les marchés financiers) avait été utilisée pour combler les déficits récurrents au lieu d’être capitalisée et épargnée en prévision des mauvais jours. Rappelons que sur les 20 dernières années une stratégie financière de type  "70/30" (soit 70% en obligations et 30% en actions ce qui pourrait correspondre à la stratégie de gestion suivie par le FRC) aurait à peu près doublé de valeur, tandis que la partie réellement liquide du FRC n’a en réalité que stagné sur cette période.

 

 

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Le déclin des indicateurs courants de finances publiques marque une pause

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Cette stagnation des réserves et cette hausse exponentielle des dépenses font que le ratio « partie liquide du FRC / Dépenses annuelles », qui représente le nombre d’années de dépenses contenues dans la partie liquide du FRC et qui est fréquemment mentionné par les pouvoirs publics, a poursuivi un lent déclin depuis le début du siècle

Ratio FRCvsDepenses.png

Pour inverser cette pente déclinante, une augmentation significative de la partie liquide du FRC par la performance des marchés financiers et une moindre croissance (voire décroissance) des dépenses (en particulier des dépenses d’équipement) sont nécessaires. Contrairement à 2024, le l’année 2025 ne va pas dans ce sens car :

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  • les dépenses d’équipement du Primitif 2025 repartent à la hausse (mais, comme expliqué lors de l’analyse du Primitif 2024, cela vient du fait qu’en 2024 les dépenses avaient baissé du fait d’une baisse des provisions pour les dépenses futures et d’un décalage de travaux, ce qui n’était donc que temporaire)

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  • la performance des marchés financiers en 2024 a été nettement moins bonne qu’en 2023

 

Le seul point positif est qu’en 2025, le FRC enregistrera comptablement l’excédent budgétaire de 2023 (+126M€).

 

 

 

Mais cet indicateur ne reflète toutefois que le passé et le présent des finances publiques. Il ne prend pas en compte l’avenir, en particulier les dépenses futures au-delà de 2025 et dont les montants sont déjà très élevés et/ou ne font qu’augmenter, par exemple :
 

  • nouveau CHPG

  • CTVD

  • nouveau Centre Commercial de Fontvieille

  • retraite des fonctionnaires qui augmente de 5%/an faute de gestion actif/passif

  • logement des Monégasques qui augmentera significativement une fois que l’Etat n’aura plus aucun terrain disponible (après Annonciade II donc)

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Pour le prendre en compte, ne serait-ce que partiellement, on peut par exemple observer le ratio suivant qui indique dans quelle proportion les réserves de l’Etat pourraient financer les dépenses d’équipement des 3 prochaines années (sur la base du plan triennal d’équipement). Malheureusement, cet indicateur est lui aussi en déclin depuis une dizaine d'années :
 

Ratio FRCvsTriennal3ans.png

Avec des réserves qui stagnent voire réduisent depuis 20 ans et des dépenses d’équipement qui croissent rapidement, ce ratio est lui aussi sur le déclin, passant de 300% à moins de 100% en une dizaine d’années.

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Conclusion

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Malgré une période de recettes exceptionnelles générées par l'extension en mer qui touche à sa fin, l'Etat aura finalement dépensé bien plus que les recettes perçues ces dernières années. C'est plus largement ce que l'on constate depuis le début du siècle : alors que les recettes ont globalement triplé, ce qui est déjà remarquable, l'Etat a dépensé encore plus, prélevant environ 450M€ dans les réserves de l'Etat. Cela a conduit à ce que ces réserves passent d'environ 4 années de dépenses annuelles à moins d’une année en l'espace de 20 ans.

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Les projets d'équipement actuels de l'Etat (nouveau CHPG, CTVD, nouveau Centre commercial Fontvieille) étant déjà très coûteux, le coût de la retraite des fonctionnaires n'étant toujours pas provisionné alors qu'on entre dans une phase particulièrement coûteuse, le coût du logement des Monégasques étant amené à croitre de manière explosive après Annonciade II sans faire l'objet d'un quelconque provisionnement, nous nous demandons comment tout cela pourra être financé par des recettes par nature incertaines, au risque de devoir à nouveau prélever dans le FRC.

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Malheureusement, le Primitif 2025 ne nous apporte aucune réponse : des estimations de recettes étonnamment basses, des dépenses d’équipement à nouveau en hausse comme attendu, toujours pas de provisions pour les dépenses futures inévitables, aucune projection de recettes au-delà de 2025 etc.

 

Des projections claires, des perspectives et des actions nettes pour enrayer le déclin des indicateurs traditionnels de finances publiques et sécuriser la souveraineté du pays sont aujourd’hui, plus que jamais une nécessité. Faire du FRC le garant de l'indépendance de Monaco (voir ici) permettrait de rendre cela possible.

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