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Budget Primitif 2024 : reculer pour mieux sauter

12 Décembre 2023

Le Conseil national examinera le Budget Primitif 2024 en séances publiques les 12, 14, 19 et 21 décembre. Ce Budget Primitif 2024 est à l'image des précédents : l'Etat dépense tout, même en période de recettes exceptionnelles comme actuellement.

 

Le plan triennal d’équipement du Budget Primitif 2024, annexe essentielle du projet de loi qui va être voté, n’ayant pas été rendu public malgré nos demandes, c'est donc une analyse partielle du Budget Primitif 2024 qui sera faite ici. Une analyse complémentaire sera faite lorsque l'annexe de la loi sera enfin publié au plus tard lors de la publication de la loi au journal officiel.

Préambule

En préambule, il convient de rappeler que toutes les remarques concernant les documents budgétaires (voir ici) sont toujours d’actualité. En effet, le Gouvernement n’a malheureusement jamais donné suite à la demande de Monaco 2040 pour que le Fascicule Budgétaire (ou tout document permettant de comprendre la loi de budget ainsi que les séances publiques qui y sont dédiées) soit enfin public.

Faits notables

Budget annuel 2024

D’une manière générale, les recettes et les dépenses ont significativement diminué (-7% pour les recettes, -6% pour les dépenses) entre les Budgets Rectificatif 2023 et Primitif 2024, le budget 2024 étant d’ailleurs présenté en déficit de -15M€ :

General_Depenses_Recettes.png

Pour comprendre ces évolutions importantes, regardons plus en détail l’évolution des recettes et dépenses.  

 

Côté recettes

Par rapport au Budget Rectificatif 2023, les recettes du Budget Primitif 2024 ont évolué de la manière suivante :

Ecart recettes prim rectif.png

Les principaux écarts entre Primitif 2024 et Rectificatif 2023 sont les suivants :

 

  • Domaine immobilier : au Primitif 2024 l’Etat perçoit la dernière tranche de la soulte de l’extension de 60M€ (contre 100M€ en 2023) et ne perçoit plus rien de la décomposition du troc de Testimonio II : ces deux effets contribuent à une baisse des recettes du domaine immobilier de -96M€ en 2024

  • Transactions commerciales (TVA) : l’Etat anticipe une baisse de -54M€ de TVA en 2024, mais nous n’en connaissons pas les raisons (baisse de l’activité due au contexte international ou à l’action des banques centrales, baisse des ventes d’appartements neufs etc. ?)

Côté dépenses

Par rapport au Budget Rectificatif 2023, les dépenses du Budget Primitif 2024 ont évolué de la manière suivante :

Ecart dépenses prim rectif.png

Les principaux écarts entre Primitif 2024 et Rectificatif 2023 sont les suivants :

 

  • Equipement et investissement : c’est le poste de dépenses qui a subi la plus grosse baisse (-175M€). Pour expliquer cette baisse, le plus naturel consiste à comparer les dépenses d’équipement du Primitif 2024 avec celles qui étaient prévues au plan triennal d’équipement du Primitif 2023 pour l’année 2024 :​​​

Ecart dépenses equipement prim et pte.png
  • forte hausse des dépenses des grands travaux d’urbanisme (+90M€) due essentiellement à la provision pour les travaux liés aux Jardins d’Apolline et de Hélios​​

 

  • hausse des dépenses d’équipement administratif (+37M€) due à la surélévation du bâtiment de la Sécurité Publique et à la rénovation générale des bâtiments publics

 

  • importante baisse des dépenses d’équipement urbain (-40M€) due au décalage des travaux du CTVD (Centre de traitement et de valorisation des déchets)

 

  • importante baisse des dépenses d’équipement industriel et commerce (-45M€) due au décalage des travaux concernant le nouveau Centre Commercial de Fontvieille

 

  • importante baisse des dépenses d’investissement (-55M€) due essentiellement à l’importante baisse inattendue de la provision pour le nouveau CHPG (-40M€) et à l’absence de rachats au FRC (-10M€)

 

  • importante baisse des dépenses d’équipement sanitaire et social (-63M€) due essentiellement au décalage des chantiers du Bel Air (-45M€) et des Lierres-Nathalie (-45M€) et aux travaux du Larvotto Supérieur (+30M€) non prévues au Plan triennal d’équipement de 2023

 

En résumé : certaines dépenses importantes sont repoussées (moins de provisions pour les dépenses futures d’équipement, décalage de certains gros chantiers) et certains projets d’équipement sont revus à la baisse car trop coûteux

  • D’une manière générale, les estimations élevées d’inflation contribuent à l’augmentation de la plupart des dépenses

  • Comme attendu les dépenses de retraite des fonctionnaires continuent de croitre à un rythme important et s’élèvent à 106M€ en 2024, franchissant pour la première fois la barre des 100M€, ce qui doit susciter quelques inquiétudes puisqu’en l’absence de gestion actif/passif du sujet (voir ici) le problème de la retraite des fonctionnaires n’en est qu’à ses débuts

Plan triennal d’équipement

 

Le plan triennal d’équipement n’étant toujours pas public à ce jour, nous ne pouvons donner aucun élément relatif aux dépenses futures de l’Etat en matière d’équipement. Cette section sera complétée lorsque cette annexe de la loi du Budget Primitif 2024 sera publique.  

Analyse

 

L’Etat continue de tout dépenser alors que la période de recettes exceptionnelles touche à sa fin

 

Côté recettes, entre la TVA immobilière et la soulte issues de l’extension en mer, la période de recettes exceptionnelles pour l’Etat se poursuivra encore en 2024 (mais guère au-delà). Malgré cela, l’Etat prévoit une baisse globale des recettes en 2024 due à un net ralentissement de l’activité. Côté dépenses, l’année 2024 est prévue pour être plus sobre que ce qui était programmé, la plupart des dépenses d’équipement étant revues à la baisse (moins de provision pour les dépenses futures, décalage ou révision à la baisse des grands projets d’équipement). Au final, comme habituellement ces dernières années, l’Etat prévoit de ne rien épargner alors que 2024 est une des dernières années (peut-être même la dernière) de recettes exceptionnelles.

 

On pourrait s’en étonner, mais en réalité 2024 n’a rien d’exceptionnel, l’Etat n’épargne quasiment plus depuis le début du siècle. Entre 2000 et ce que l’Etat anticipe en 2024, au global rien n’aura été mis de côté, ce sont au contraire 235M€ qui auront été prélevés dans les réserves (le FRC) auquel il faut ajouter les 443M€ supplémentaires prélevés au FRC pour racheter au Budget les actions de la SBM afin d'augmenter artificiellement le résultat budgétaire annuel de l'Etat des années 2019, 2020 et 2021, soit un prélèvement global au FRC d’environ 680M€ (ci-dessous l'évolution du résultat budgétaire annuel réel, sans tenir compte de l'artifice comptable des actions de la SBM):

Excedent  budgétaire LT - hors artifices.png

Analysons à présent comment ces observations se traduisent dans l’évolution de la partie réellement liquide du FRC.

 

[Cette analyse sera complétée et possiblement modifiée lors de la publication du plan triennal d’équipement ]

 

 

La partie liquide du FRC stagne depuis 20 ans

 

Le fait que l’Etat dépense tout lorsque les recettes sont meilleures qu’attendues et prélève au FRC dans le cas contraire pour financer toutes les dépenses, se traduit par le fait que la valeur de la partie réellement liquide du FRC ne grossit plus du tout depuis le début du siècle (elle est aujourd’hui identique à ce qu’elle était il y a 20 ans), tandis que dans le même temps les dépenses annuelles croissent globalement à un rythme exponentiel :

Evolution_FRC_Depenses.png

C’est un peu comme si, malgré les recettes exceptionnelles de l’Etat, une bonne partie de la performance financière de la partie liquide du FRC (investie à 100% dans les marchés financiers) avait été utilisée pour combler les déficits récurrents au lieu d’être capitalisée et épargnée en prévision des mauvais jours. Rappelons que sur les 20 dernières années une stratégie financière de type  "70/30" (soit 70% en obligations et 30% en actions ce qui pourrait correspondre à la stratégie de gestion suivie par le FRC) aurait à peu près doublé de valeur, tandis que la partie réellement liquide du FRC n’a en réalité que stagné sur cette période.

 

 

Le déclin des indicateurs courants de finances publiques marque une pause

Cette stagnation des réserves et cette hausse exponentielle des dépenses font que le ratio « partie liquide du FRC / Dépenses annuelles », qui représente le nombre d’années de dépenses contenues dans la partie liquide du FRC et qui est fréquemment mentionné par les pouvoirs publics, a poursuivi un lent déclin depuis le début du siècle

Ratio FRCvsDepenses.png

Pour interrompre ce déclin, une augmentation de la partie liquide du FRC ou une moindre croissance (voire décroissance) des dépenses (en particulier des dépenses d’équipement) est inévitable. Le Primitif 2024 semble aller dans ce sens (on observe une possible inflexion de l'indicateur en 2024) par une baisse des dépenses d’équipement (même si cette baisse est nécessairement temporaire puisqu’elle résulte pour une grande part en une baisse des provisions pour les dépenses futures et un décalage de travaux) et une partie liquide du FRC boostée par la bonne performance des marchés financiers en 2023. Pour augmenter la sécurité financière du pays malmenée ces 2 dernières décennies (en ramenant l'indicateur à des niveaux élevés), il faudrait donc que les budgets suivants ainsi que les marchés financiers aillent également dans ce sens ce qui, compte tenu de l’observation faite précédemment paraît difficile à réaliser, l’Etat étant déjà engagé dans de longs et couteux projets qu’il est difficile de réviser à la baisse et les marchés financiers n'offrant pas toujours les mêmes performances qu'en 2023.

 

Cet indicateur ne reflète toutefois que le passé et le présent des finances publiques. Il ne prend pas en compte l’avenir, en particulier les dépenses futures au-delà de 2024 et dont les montants sont déjà très élevés et/ou ne font qu’augmenter, par exemple :

  • nouveau CHPG

  • CTVD

  • nouveau Centre Commercial de Fontvieille

  • retraite des fonctionnaires qui augmente de 5%/an faute de gestion actif/passif

  • logement des Monégasques qui augmentera significativement une fois que l’Etat n’aura plus aucun terrain disponible (après Annonciade II donc)

Pour le prendre en compte, ne serait-ce que partiellement, on peut par exemple observer le ratio suivant qui indique dans quelle proportion les réserves de l’Etat pourraient financer les dépenses d’équipement des 3 prochaines années (sur la base du plan triennal d’équipement). Malheureusement, cet indicateur est lui aussi en déclin depuis une dizaine d'années :
 

Avec des réserves qui stagnent voire réduisent depuis 20 ans et des dépenses d’équipement qui croissent rapidement, ce ratio est lui aussi sur le déclin, passant de 300% à moins de 100% en une dizaine d’années.

 

Ce graphique sera mis à jour de l'année 2023 lorsque le plan triennal d’équipement du Primitif 2024 sera public.

Projections à court terme du FRC

Les projections à court terme de la partie liquide du FRC que nous faisons habituellement seront réalisées lorsque le plan triennal d'équipement du Primitif 2024 sera public.

Conclusion

Malgré une période de recettes exceptionnelles générées par l'extension en mer qui touche à sa fin, l'Etat aura finalement dépensé bien plus que les recettes perçues ces dernières années. C'est plus largement ce que l'on constate depuis le début du siècle : alors que les recettes ont globalement triplé, ce qui est déjà remarquable, l'Etat a dépensé encore plus, prélevant environ 700M€ dans les réserves de l'Etat. Cela a conduit à ce que ces réserves passent d'environ 4 années de dépenses annuelles à seulement une année en l'espace de 20 ans.

Les projets d'équipement actuels de l'Etat (nouveau CHPG, CTVD, nouveau Centre commercial Fontvieille) étant déjà très coûteux et probablement réévalués à la hausse (à confirmer lorsque le plan triennal d'équipement du Budget Primitif 2024 sera publié), le coût de la retraite des fonctionnaires n'étant toujours pas provisionné alors qu'on entre dans une phase particulièrement coûteuse, le coût du logement des Monégasques étant amené à croitre de manière explosive après Annonciade II sans faire l'objet d'un quelconque provisionnement, nous nous demandons comment tout cela pourra être financé par des recettes par nature incertaines et ne pouvant bénéficier d'une croissance future consécutive à un accord d'association avec l'UE, au risque de devoir à nouveau prélever dans le FRC.

Comptablement, 2024 semble marquer un tournant puisque les dépenses d'équipement sont globalement en forte baisse. Mais ces baisses résultent surtout d'un report des dépenses qui en réalité s'accumulent et non pas d'une révision du plan des dépenses futures. Quant aux recettes, elles cesseront bientôt d'être exceptionnelles en raison de la fin du projet d'extension en mer.

 

Des projections, des perspectives et des actions sont donc aujourd'hui nécessaires pour faire face à ce constat et enrayer le déclin des indicateurs traditionnels de finances publiques. Pour cela, il n'y a pas beaucoup d'alternative, la plus naturelle consistant à faire du FRC le garant du modèle économique et social de Monaco (voir ici), afin de sécuriser la souveraineté du pays.

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