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Budget Rectificatif 2023 : gagner plus, et tout dépenser

3 Octobre 2023

Le conseil national examinera le Budget Rectificatif 2023 en séances publiques les 12, 16 et 18 octobre prochain. Ce Budget Rectificatif s’inscrit dans la logique de tous les précédents : si les recettes sont meilleures que prévues, on dépense tout. Voici notre analyse.

Préambule

En préambule, il convient de rappeler que toutes les remarques concernant les documents budgétaires (voir ici) sont toujours d’actualité. Si la loi de clôture doit enfin bientôt voir le jour, le Gouvernement n’a malheureusement jamais donné suite à la demande de Monaco 2040 pour que le Fascicule Budgétaire (ou tout document permettant de comprendre la loi de budget ainsi que les séances publiques qui y sont dédiées) soit enfin public.

 

Faits notables

 

D’une manière générale, les recettes et les dépenses ont significativement augmenté entre les Budgets Primitif et Rectificatif 2023, établissant un nouveau record avoisinnant les 2,2 Mds€ :

General_Depenses_Recettes.png

Pour comprendre ces évolutions importantes, regardons plus en détail les recettes et les dépenses.  

 

Côté recettes

Par rapport au Budget Primitif 2023, les recettes du Budget Rectificatif ont évolué de la manière suivante :

Recettes.png

Les principaux écarts entre Primitif et Rectificatif s'expliquent ainsi :

  • TVA (Transactions commerciales) : comme mentionné dans l’analyse du Budget Primitif 2023 (voir ici), les prévisions de TVA étaient anormalement basses, elles sont donc logiquement revues substantiellement à la hausse dans le Budget Rectificatif (+66M€)

  • ISB (Bénéfices commerciaux) : suite au montant record des exportations en 2022 pour les entreprises monégasques, l’impôt sur les bénéfices a été significativement revu à la hausse (+54M€)

Côté dépenses

 

Par rapport au Budget Primitif 2023, les dépenses du Budget Rectificatif ont évolué de la manière suivante :

Depenses.png

Les principaux écarts entre les Budgets Primitif et Rectificatif sont les suivants :

 

  • Equipement et investissement : c’est le poste de dépenses qui a subi la plus grosse augmentation (+125M€) du fait des dépenses supplémentaires notamment en matière de logement (+70M€ pour la surélévation de Testimonio II bis, +24M€ pour le Grand Ida, +25M€ pour le Bel Air) ou la future usine de traitement des déchets (+25M€)

  • Intervention publiques : c’est le 2ème poste de dépenses ayant subi la plus grosse augmentation (+31M€) du fait des augmentations de salaire pour les activités culturelles, du bouclier tarifaire énergétique, des aides aux commerces, des études économiques etc.

  • Retraite des fonctionnaires : son coût a dû être réévalué à la hausse (+6M€) du fait de l’inflation et des départs non prévus, ce qui doit à présent porter le coût des pensions à environ 100M€/an alors que le problème de la retraite des fonctionnaires ne fait que commencer et qu'il n'y a toujours aucun mécanisme de gestion actif/passif du sujet (voir ici), comme par exemple une caisse de retraite autonome.

  • D’une manière générale, la persistance de l’inflation a contribué à l’augmentation de la plupart des dépenses

Analyse

 

L’Etat dépense tout

 

Malgré des recettes ordinaires en nette hausse et la perception de recettes exceptionnelles (tranche de 100M€ de la soulte liée à l’extension en mer), l’Etat aura au final tout dépensé en 2023 et ne mettra donc rien en réserve dans le FRC. Si l’Etat ne met pas d’argent de côté dans les années où les recettes sont exceptionnelles comme en 2023, quand peut-il le faire ? En réalité, l’Etat n'épargne plus depuis le début du siècle. Entre 2001 et aujourd’hui, l’Etat n’a au global rien mis de côté, ce sont au contraire 257M€ qui ont été prélevés dans les réserves (le FRC) du fait des déficit cumulés auquel il faut ajouter les 443M€ supplémentaires prélevés au FRC pour racheter au Budget les actions de la SBM afin d'augmenter artificiellement le résultat budgétaire annuel de l'Etat des années 2019, 2020 et 2021, soit un prélèvement global au FRC d’environ 700M€ (ci-dessous l'évolution du résultat budgétaire annuel réel, sans tenir compte de l'artifice comptable des actions de la SBM):

Excedent  budgétaire LT - hors artifices.png
La partie liquide du FRC stagne depuis 20 ans

 

Le fait que l’Etat dépense tout lorsque les recettes sont meilleures qu’attendues et prélève au FRC dans le cas contraire, se traduit par le fait que la valeur de la partie réellement liquide du FRC (c'est à dire la partie liquide du FRC à laquelle on retire le canton pour la retraite des fonctionnaires qui n'est par définition pas liquide pour le Budget) ne grossit plus du tout depuis le début du siècle (elle est même aujourd’hui inférieure à ce qu’elle était il y a 20 ans), tandis que dans le même temps les dépenses annuelles croissent à un rythme exponentiel :

Evolution_FRC_Depenses.png

C’est un peu comme si, malgré les recettes exceptionnelles de l’Etat, une bonne partie de la performance financière de la partie liquide du FRC (investie à 100% dans les marchés financiers) avait été utilisée pour combler les déficits récurrents au lieu d’être capitalisée et épargnée en prévision des mauvais jours. Rappelons que sur les 20 dernières années une stratégie financière de type  "70/30" (soit 70% en obligations et 30% en actions ce qui pourrait correspondre à la stratégie de gestion suivie par le FRC) aurait à peu près doublé de valeur, tandis que la partie réellement liquide du FRC n’a en réalité que stagné sur cette période.

 

 

Les indicateurs courants de finances publiques continuent de décliner

Cette stagnation des réserves et cette hausse exponentielle des dépenses font que le ratio « partie liquide du FRC / Dépenses annuelles », qui représente le nombre d’années de dépenses contenues dans la partie liquide du FRC et qui est fréquemment mentionné par les pouvoirs publics, poursuit le lent déclin initié au début du siècle et que rien ne semble pouvoir arrêter, pas même les recettes exceptionnelles qui appartiendront bientôt au passé lorsque la TVA immobilière de l’extension en mer sera totalement encaissée :

Ratio FRCvsDepenses.png

Aujourd'hui, la partie réellement liquide du FRC contient moins d'un an de dépenses de l'Etat (un peu moins de 11 mois).

Mais cet indicateur ne reflète que le passé et le présent des finances publiques, il ne prend pas en compte l’avenir, en particulier les dépenses futures dont les montants sont déjà très élevés et/ou ne font qu’augmenter, par exemple :

  • nouveau CHPG

  • future usine de traitement des déchets

  • nouveau Centre Commercial de Fontvieille

  • retraite des fonctionnaires qui augmente de 5%/an faute de gestion actif/passif du sujet

  • logement des Monégasques qui augmentera significativement lorsque l’Etat n’aura plus aucun terrain disponible (soit après Annonciade II)

 

Pour tenir compte de ces dépenses futures, dont les montants seront réévalués (sans doute à la hausse) par le plan triennal d'équipement du Budget Primitif 2024, on peut observer le ratio suivant qui indique dans quelle proportion les réserves de l’Etat pourraient financer les dépenses d’équipement des 3 prochaines années (sur la base du plan triennal d’équipement) :

Ratio FRCvsTriennal3ans.png

Avec des réserves qui stagnent voire réduisent depuis 20 ans et des dépenses d’équipement qui croissent rapidement, ce ratio est lui aussi sur le déclin, passant de 300% à moins de 100% en une dizaine d’années.

Conclusion

Malgré des recettes en hausse exceptionnelle de 8% en 2023 par rapport aux prévisions, l'Etat aura finalement tout dépensé. 2023 est à l'image de ce qu'il se passe depuis le début du siècle : alors que les recettes ont globalement triplé, ce qui est déjà remarquable, l'Etat a dépensé encore plus, prélevant environ 700M€ dans les réserves de l'Etat. Cela a conduit à ce que ces réserves passent d'environ 4 années de dépenses annuelles à moins d'une année en l'espace de 20 ans.

Les projets d'équipement actuels de l'Etat (nouveau CHPG, nouvelle usine de traitement des déchets, nouveau Centre commercial Fontvieille) étant déjà très couteux et bientôt probablement réévalués à la hausse, le coût de la retraite des fonctionnaires n'étant toujours pas provisionnée alors qu'on entre dans une phase particulièrement coûteuse, le coût du logement des Monégasques étant amené à croitre de manière explosive après Annonciade II sans faire l'objet d'un quelconque provisionnement, nous nous demandons comment tout cela pourra être financé par des recettes par nature incertaines et ne pouvant bénéficier d'une croissance future consécutive à un accord d'association avec l'UE, au risque de devoir à nouveau prélever dans le FRC.

 

Des projections, des perspectives et des actions sont donc aujourd'hui nécessaires pour faire face à ce constat et enrayer le déclin des indicateurs traditionnels de finances publiques. Pour cela, il n'y a pas beaucoup d'alternative, la plus naturelle consistant à faire du FRC le garant du modèle économique et social de Monaco (voir ici), afin de sécuriser la souveraineté du pays.

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